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Le Quartier du Midi à Bruxelles

Petit objet multimédia (POM) réalisé par Laurent Guizard & Audrey Guiller (Rennes).


Quartier Midi : on prend les mêmes et on recommence ?

« Master Plan », « Schéma directeur » ou « schéma de développement » ?

Il y a des situations où l’histoire semble se répéter. Au quartier du Midi, une vingtaine d’années après le lancement des hostilités entre la SNCB, la Région bruxelloise et les promoteurs privés, les mêmes acteurs (à peu de choses près) semblent vouloir remettre le couvert. Comme si leurs ambitions respectives en matière d’immobilier et leurs querelles communes n’avaient pas déjà fait assez de mal au quartier…

SNCB versus Région
Une accalmie dans les relations SNCB-Région bruxelloise était intervenue en 1996, à l’heure de l’inauguration du terminal TGV et de l’ouverture de la ligne de Thalys Paris-Bruxelles.
En 2008, la SNCB annonce son intention de recentraliser ses bureaux sur l’assiette du chemin de fer de la gare du Midi, c’est-à-dire le long ou au-dessus des voies. Elle imagine ainsi quitter tous les bureaux qu’elle occupe dans le quartier (y compris les bureaux neufs le long de l’avenue Fonsny et le «Midi Atrium», avenue de la Porte de Hal… huit ans à peine après l’avoir acheté), et désire restructurer complètement la gare du Midi et ses abords.
Les appétits immobiliers de la SNCB pour le Midi s’étant rouverts, un protocole de coopération est conclu entre plusieurs parties : la SNCB Holding, Eurostation, Euro Immo Star, Beliris (État fédéral), les communes d’Anderlecht et de Saint-Gilles et la Région. Présenté comme une suite logique au fameux Plan de développement international de Bruxelles (PDI), ce protocole annonce l’élaboration d’un « Master plan » pour le quartier Midi. Pour ce faire, il prévoit la tenue de discussions entre les différentes institutions sous l’égide d’un Comité de pilotage présidé par Charles Picqué, discussions dont rien ou presque ne filtrera publiquement.
La SNCB lance bien quelques ballons d’essai et effets d’annonce. Elle annonce avoir engagé (via une de ses filiales et sans concours) l’architecte-vedette Jean Nouvel pour concevoir le nouvel enrobage de la gare. Avec comme attraction : un bâtiment transparent en forme de «V» de 120 mètres de haut, surplombant les voies ferrées. Voilà pour la partie médiatique. Le projet prévoit 250.000 m² de bureaux neufs, un centre de congrès et un restaurant panoramique, construits derrière une façade moderne de 550 mètres de long s’étalant jusqu’au pont de la rue Théodore Verhaegen et de la rue des Vétérinaires,… et, on l’a appris incidemment : trois ou quatre (très hautes) tours de logement sur l’emplacement actuel de bureaux de la SNCB à la rue de France ! La SNCB dit aussi vouloir réaménager les quadrilatères situés entre la gare et la Petite ceinture (plus connus des Bruxellois sous le qualificatif de «tunnels puants») : ils pourraient être démolis pour dégager une perspective sur la gare, ou être transformés en galerie commerciale menant directement les touristes vers le centre-ville.
De l’autre côté du boulevard, le contrat de quartier «Rouppe» de la Ville de Bruxelles prévoit d’aménager l’avenue de Stalingrad en «rambla» (la mer en moins), afin de créer une «vraie entrée dans la ville» jusqu’au centre historique. La STIB, quant à elle, travaille à des plans de rationnalisation de sa station souterraine de trams… ce qui pourrait occasionner des démolitions en surface, au niveau de l’avenue de Stalingrad.
Les emplacements des stations TEC et De Lijn sont remis en question. La Région envisage la possibilité de couvrir la place Horta. Le Fédéral, via Beliris, accepte l’idée de financer en partie le réaménagement des espaces publics autour de la gare et de donner toute latitude d’action aux bureaux d’études de la SNCB pour ce faire… Bref, la page des 20 années d’expropriations du côté de l’avenue Fonsny étant à peine tournée, voilà que le quartier Midi focalise à nouveau tous les regards.
En 2011, trois ans plus tard, Picqué fait une sortie dans les médias. Il déclare en substance qu’il n’est plus possible de discuter avec la SNCB. «Notamment parce que la SNCB est très souvent repliée sur ses seuls besoins, alors qu’elle doit s’ouvrir à une réflexion générale sur la ville». La hache de guerre est à nouveau déterrée. Le Protocole de coopération, enterré.
Picqué décide de confier la réflexion sur le quartier Midi à la nouvelle Agence de développement territorial (ADT). Début 2012, celle-ci lui remet une note que Picqué présente, après relectures et corrections, à son gouvernement en juin. La réalisation d’un «Schéma directeur du quartier Midi» est décidée… Ce qui n’est pas sans rappeler le «Schéma de développement» que la même Région avait adopté 21 ans plus tôt pour s’assurer du développement harmonieux du quartier (il y était notamment prévu de border la gare d’espaces verts et de grandes places publiques), dans un contexte un peu similaire de bras de fer avec la SNCB. «Nous avons déjà connu une telle situation dans ce même quartier», avoue Picqué. Avec le résultat que l’on sait.
En tout cas, la SNCB et ses filiales immobilières n’offrent pas un visage plus rassurant qu’en 1990. Le projet d’exproprier 28 immeubles et près de 200 propriétaires et locataires de la rue du Progrès, dans cette partie encore populaire du quartier Nord, pour élargir les voies ferroviaires au nom de la «mobilité durable» (et alors que des alternatives techniques sont possibles), laisse craindre que se produise là un «quartier du Midi bis». Et indique en tout cas que la SNCB et ses filiales continuent à se comporter comme un rouleau compresseur dévastant le tissu urbain, sans égards pour les habitants. Quand on sait que la SNCB répète sur tous les tons que la jonction Nord-Midi est désormais saturée et qu’elle a des «solutions» pleins ses cartons, on en frémit d’avance…

Promoteurs et communes…
Le Gouvernement bruxellois va-t-il attendre d’avoir adopté son futur «Schéma directeur du quartier Midi» avant d’octroyer un permis au projet des quatre tours «Victor», juste à côté de la Gare et de la Tour du Midi ? Ce ne serait que pure logique. En effet, si l’on veut développer un plan d’ensemble pour un quartier de gare où 300.000 m² de bureaux ont déjà été construits ces 20 dernières années et où la SNCB projette d’en ajouter 250.000 m² supplémentaires, qui plus est dans un contexte régional de surplus de bureaux et de crise du logement… la première chose à faire est de prendre un moratoire sur tout projet de bureaux dans le périmètre en attendant que le plan soit ficelé et que les projets s’y soient conformés.
Mais en sera-t-il vraiment ainsi ? Jusqu’il y a peu, un projet comme «Victor», prévoyant d’ériger 100 000 m² de bureaux (pour 2 000 m² de logement) en grimpant jusqu’à 150 mètres de haut, n’aurait pas été permis à cet endroit du quartier Midi. Mais en 2010, les communes d’Anderlecht et Saint-Gilles ont opportunément abrogé (sans donner de motivation) les deux plans d’urbanisme qui imposaient certaines contraintes de hauteur et donnaient des garanties minimales d’affectation au logement dans cette zone. Les pouvoirs publics semblent donc plutôt bien disposés à l’égard de ce projet porté par les promoteurs CFE et Atenor, ce dernier se spécialisant dans les tours (il en construit déjà le long du canal et au quartier européen) et disposant jusqu’à présent toujours de la bienveillance des décideurs politiques. Une étude d’incidences est en cours.
Les habitants, eux, ne veulent pas subir les effets de nouvelles tours dans le quartier et revendiquent d’autres fonctions sur ce terrain, principalement du logement.

• Texte issu de la mise-à-jour de l’exposition « Détours au Midi« .


Le Journal des Grands Travaux Inutiles : les quartiers Nord et Midi à Bruxelles

- RTBF, 4 juin 2012

Voir l’émission.

Deux reportages et à peu près la même histoire. Les pouvoirs publics veulent attirer de grosses sociétés dans un quartier populaire. Or, dans ces quartiers, il y a des gens qui vivent et qui n’ont pas envie de partir.

Cinquante-quatre tours devaient être construites dans le quartier Nord par Charly De Pauw, un des plus riches promoteurs des années 60 et 70. Mais le rêve vire au cauchemar quand les grosses sociétés tardent à s’installer dans le futur Manhattan des Affaires Bruxelloises. Alors le quartier nord reste désespérément vide. Les pouvoirs publics accourent à la rescousse du malheureux promoteur. En 1977, l’ Etat s’installe dans les deux tours du WTC. Les loyers payés – 1 million de francs belges par jour – sont bien supérieurs au prix du marché. On pensait attirer de grandes multinationales et créer des milliers d’emplois, mais ce fut un véritable flop.

Aujourd’hui, l’essentiel est occupé par les régions flamande et bruxelloise et l’état fédéral. L’espace nord a englouti des sommes gigantesques pompées dans les poches du contribuable.

Quinze mille personnes ont été expulsées pour faire place à un ghetto administratif, animé la journée, transformé la nuit en endroit des plus sinistres. Bourrées d’amiante, mal isolées, les tours les plus anciennes ont être rénovées. Elles ont été construites pour durer 30 ans maximum. La tour la plus récente reste inoccupée. Rien ne presse, il y a déjà près de 2 millions de mètres carrés de bureaux vides à Bruxelles.

L’histoire se répète autour de l’avenue Fonsny dans le quartier du midi: au début de l’année 1990, il faut raser quatre quartiers pour créer de grands immeubles de bureaux et des hôtels pour accueillir les hommes d’affaires débarquant du Thalys. Un plan d’expropriation est annoncé au nom de l’intérêt public et en extrême urgence. Pourtant, certains ont attendu 19 ans avant d’être délogés ! Dix-neuf ans à vivre dans le stress d’une expropriation, dans le bruit et la poussière pour finalement vendre, parfois pour une bouchée de pain.

Actuellement, quelques multinationales sont enfin bien là, mais une grande partie des immeubles sont occupés par le service public. Les autres gigantesques bâtiments sont vides. Quant aux maisons dont les propriétaires ont été expulsés, elles seront rénovées.


Noël enflammé au quartier Midi

Le quartier Midi offre des images tristes et hallucinantes, ce n’est pas nouveau. Ce lundi 26 décembre, contrastant avec les guirlandes et la frénésie des achats de fin d’année qui sévissent dans d’autres quartiers, l’îlot A du PPAS Fonsny 1 (entre les rue de Mérode, de Norvège, Claes et Suède) connaissait un nouvel événement pour le moins glauque…

Lorsqu’il était encore habité, cet îlot connut plusieurs maisons ravagées par différents incendies. Désormais entièrement vide depuis plusieurs mois (à l’exception notable d’une maison !), le voilà sans grande surprise partiellement occupé par des sans abri. Il faut noter que les maisons, expropriées et vidées par la Région bruxelloise et la Commune de Saint-Gilles, sont facilement accessibles. Aussi, ce lundi, l’une d’elle a pris feu. Un sans abri qui y logeait, a été sauvé par les pompiers.

Pour rajouter à ce tableau de désolation, juste à côté de la maison brîlée, plusieurs autres sont en pleine démolition (un comble pour un îlot prétendument destiné à être « rénové »…). L’îlot A ainsi qu’un morceau de l’îlot D font partie des rares parcelles dédiées au logement dans les plans élaborés par Charles Picqué au début des années 1990 et péniblement réalisés depuis lors. Comme par hasard, ce sont les dernières à être à l’état de chancre ou de terrain vague aujourd’hui encore, 20 ans après le début des opérations. Mais les pelleteuses ont commencé à s’activer, remuant le sol rue de Russie dans l’îlot D, détruisant les maisons de la rue de Norvège dans l’îlot A… Un rapport avec les élections communales qui approchent à grands pas ? Le suggérer serait médire, bien sûr…


L’ombre de « Victor » plane sur le quartier Midi

Associations et habitants demandent notamment d’étudier une alternative 100% logements et équipements publics.

- Communiqué de presse, 29 septembre 2011

Derrière le nom de code « Victor » (dont une commission de concertation réunissant les communes d’Anderlecht et de Saint-Gilles se penchait ce matin sur le cahier des charges de l’étude d’incidences), se cache un projet prétendument « mixte » porté par les groupes Atenor et CFE et consistant en 3 tours de bureau totalisant une surface de 100.000 m2 et une « toureke » de logement proposant à peine 2000 m2. Les habitants et les associations signataires se mobilisent pour empêcher la réalisation de ce projet démesuré, ouvertement spéculatif et totalement contraire aux besoins de ce quartier qu’il va écraser encore un peu plus.

Le quartier du Midi n’a pas fini de panser ses plaies et a besoin de tout sauf de nouveaux bureaux et hôtels. 300.000 m2 de bureaux y ont déjà été brutalement et chaotiquement implantés ces 15 dernières années, sans respect pour les habitants, pour le tissu urbain ni pour la mobilité dans ce qui constitue pourtant l’un des principaux nœuds de communication de Bruxelles. Outre qu’ils déshumanisent les abords d’une gare du Midi déjà peu intégrée dans son environnement, les immeubles de bureaux construits dans le quartier sont parfaitement inutiles à l’échelle de la Région bruxelloise et ne correspondent à aucune demande réelle. Tous leurs occupants sont des administrations publiques, des sociétés parapubliques ou privées qui étaient déjà implantées à Bruxelles et qui ont simplement déménagé Cela n’est pas étonnant quand on connaît la contexte de sur-offre de bureaux, les chiffres officiels comptabilisant déjà 1,6 millions de m2 inoccupés à l’heure actuelle.

Mais le projet « Victor » est d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas le seul à exister dans les cartons des architectes et des promoteurs immobiliers pour le quartier Midi. On connaît déjà les intentions de la SNCB, qui voudrait construire pas moins de 250.000 m2 de bureaux neufs autour de la gare et qui laisse également entendre son souhait d’élargir la Jonction Nord-Midi dans un avenir proche…

Les habitants et les associations insistent donc pour que les pouvoirs publics jouent leur rôle et informent le public sur l’ensemble des projets en cours d’élaboration et leur impact à l’échelle de la région et du quartier, qu’il s’agisse de bureaux, de logement, de commerce, d’espace public ou de mobilité… Non seulement un nouveau Plan régional de développement durable (PRDD) et un nouveau Plan régional d’affectation des sols (PRAS) sont actuellement en cours d’élaboration, mais on sait également qu’un groupe de travail (réunissant la SNCB et ses bureaux d’études, la Région, les communes de Saint-Gilles et d’Anderlecht, Beliris, la STIB…) s’est réunit pendant deux ans avec comme perspective l’élaboration d’un Master Plan pour le Midi. Par ailleurs, le Ministre-Président Charles Picqué a récemment confié à l’Agence de développement territorial (ADT) la rédaction d’une note prospective sur le quartier, qui doit être remise au Gouvernement à la fin 2011. La logique d’une bonne planification veut bien évidemment qu’on n’examine pas des projets un par un, isolément, alors que des plans d’urbanisme sont en cours d’élaboration.

A de nombreuses reprises ces derniers mois et ces dernières années, les habitants et les associations ont déjà dénoncé l’élaboration ou l’abrogation de Plans Particuliers d’Affection du Sol (PPAS) sur mesure pour des projets immobiliers spéculatifs. Le groupe Atenor est devenu expert en la matière, profitant de la faiblesse des pouvoirs publics pour plusieurs de ses projets : la tour « Up-Site » à Bruxelles-Ville, « City Docks » à Anderlecht et « Victor » au quartier Midi. On se souviendra que les communes d’Anderlecht et de Saint-Gilles avaient abrogé avant l’été sans raison apparente les deux PPAS en vigueur sur l’îlot où sont prévues les tours « Victor », faisant par là disparaître les contraintes en matière d’affectation, d’implantation et de volume des constructions qu’auraient fait peser les 2 PPAS sur le projet Victor… L’intérêt financier à court terme d’un promoteur immobilier et de deux communes, intéressées par les retombées en terme de taxes sur les bureaux et de charges d’urbanisme, ne doivent pas prévaloir sur l’intérêt général à l’échelle de la région.

A ce stade de la procédure, les habitants et les associations demandent que toute une série d’alternatives soient étudiées dans l’étude d’incidences et, en priorité l’alternative consistant à respecter les gabarits du quartier et à prendre en compte les besoins essentiels des Bruxellois, à savoir la construction de logements neufs dont 50% de logements sociaux.

• Communiqué commun de l’ARAU, du BRAL, du CODES, du Comité du quartier Midi, du CRU, d’IEB et de l’ULAC.


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